Souvent confondu à tort avec de l’indiscipline, de l’agressivité et de la désobéissance, le Trouble du Déficit de l'Attention avec ou sans Hyperactivité — ou TDA/H — est encore trop souvent méconnu, source de souffrance chez l’élève et sa famille, et de désarroi voire d’exaspération chez l’enseignant qui doit déployer beaucoup d’énergie à gérer un élève au détriment du groupe classe. Qu'est-ce que le TDA/H précisément ? Comment s'explique et se manifeste ce trouble ?
Lire la suite : Le TDA/H (2) : aménagements et adaptations
Un trouble invalidant
Le cursus scolaire d'un élève atteint d'un TDA/H relève du parcours du combattant. En effet, tant qu'il n'est pas diagnostiqué, son comportement impulsif et inattentif lui attire punitions, sanctions et humiliations qui ne font qu’aggraver ses difficultés. Une fois diagnostiqué, il lui faut encore apprendre à gérer son trouble. Par ailleurs beaucoup d'élèves passent entre les gouttes du diagnostic : si le TDA/H est associé au cliché du garçon turbulent et agité, il l'est moins à l’image d’un enfant lent et rêveur et encore moins à celle d’une fille. C’est pourquoi ces dernières sont sous-diagnostiquées. Selon la HAS, la prévalence de ce trouble serait de 3,5% à 5% des enfants d’âge scolaire.
Une atteinte des fonctions exécutives
Qu'est-ce que le TDA/H ?
Le TDA/H est un trouble du neuro-développement, plus précisément une atteinte des fonctions exécutives. Celles-ci sont les compétences cognitives essentielles qui nous permettent d'agir de façon organisée afin d'atteindre nos objectifs. Elles sont considérées comme le chef d'orchestre qui régule et contrôle notre cognition, nos émotions, nos pensées et notre comportement. Elles interviennent dans toute tâche non routinière qui nécessite des capacités d'adaptation. Leur maturation au niveau cérébral est longue (le lobe frontal), se poursuit jusqu'au début de l'âge adulte, environ 25 ans, et connaît une période critique vers l'âge préscolaire.
Dans l'état actuel des connaissances, on pense que le TDA/H correspond à une sous-activation de plusieurs zones du cerveau, (cortex cingulaire antérieur, cortex préfrontal et striatum) et qu'il est dû à des problèmes de connectivités neuronales, plus particulièrement de neurotransmetteurs responsables de l'inhibition. Les causes sont majoritairement génétiques mais peuvent aussi et plus rarement être environnementales.
Les fonctions exécutives : kesako ?
Il en existe trois grandes : la mémoire de travail, le contrôle inhibiteur et la flexibilité. Les trois sont atteintes chez un élève TDA/H.
- La mémoire de travail est une mémoire tampon qui permet de conserver un petit nombre d' informations verbales ou visuelles pour un temps très court, et qui rendent possible l'organisation des actions nécessaires à l'exécution d'une tâche.
- Le contrôle inhibiteur permet de résister aux distractions pour commencer une tâche, se concentrer, contrôler ses impulsions, ses émotions ou éviter des gestes inappropriés.
- La flexibilité permet d'être créatif et d'ajuster nos stratégies en émettant des hypothèses pour trouver une solution, d'entreprendre un autre raisonnement ou de pendre un autre chemin, mais aussi de changer de point de vue en se décentrant.
Les manifestations du trouble
Un élève atteint du trouble de l'attention manifeste de l'agitation et de l'impulsivité (aspect « hyper » du trouble) ou de la lenteur (aspect « hypo »). Il éprouve des difficultés à se mettre au travail — ce qu'on appelle le manque d'initiation — et à se concentrer pour réaliser une tâche, à mémoriser, à comprendre et raisonner. Concrètement, il a des oublis très fréquents, coupe la parole, peut sauter du coq à l'âne, lit sans comprendre… De manière générale il manque d'autonomie et ses difficultés cognitives sont multiples et sources de retard scolaire.
Il peut aussi présenter des troubles liés aux émotions ou à la motivation, tels que de la désobéissance et l'opposition, et avoir des difficultés à gérer ses émotions.
Les conséquences psychologiques sont lourdes : l'estime de soi d'un TDA/H est très basse et son trouble le conduit à développer une anxiété pouvant aller jusqu’à la dépression.
Bilan et prise en charge
la Prise en charge du TDA/H
Le bilan est fait par un.e neuropsychologue. Il est fondé sur des signes cliniques qui sont au nombre de 18 dans le DSM-V, et classés dans les troubles du neuro-développement. Ce bilan permet de déterminer les ressources et les faiblesses de l'enfant ou du jeune et de proposer des aides appropriées et personnalisées.
Hors traitement, la prise en charge est assurée par les neuropsychologues et les psychologues. Elle est basée sur la psychothérapie, la psychoéducation, la rééducation des troubles associés et sur la guidance parentale – voire la thérapie familiale. La prise en charge doit être adaptée aux symptômes et à leur sévérité ainsi qu'au contexte socio familial.
Chez le ou la neuropsychologue, le jeune apprend à connaître son fonctionnement cognitif dans le but de pouvoir transférer ses compétences dans la vie quotidienne et dans ses apprentissages scolaires. Différents jeux et activités de remédiation cognitive sont mis en œuvre avec des feedbacks sur les performances : exercices de répétition, d'inhibition verbale ou motrice, des activités d'enfants chercheurs...
Traitement ou pas traitement ?
La Haute Autorité de Santé (HAS) recommande depuis 2014 une prise en charge la plus précoce possible, si possible non médicamenteuse — ce qui n'est pas toujours évitable. Les traitements agissent sur les neurotransmetteurs chargés de l'inhibition et augmentent la production de dopamine dans le but de diminuer les symptômes. La dopamine est engagée dans le système de récompense, de motivation et du mouvement.
Dans ma pratique d’enseignante, certains parents me rapportent avec tristesse la pression qu'ils peuvent subir de la part de l'établissement scolaire en ce qui concerne les résultats, et la quasi obligation de donner un traitement médicamenteux à leur enfant pour le rendre plus performant et le maintenir dans son établissement scolaire. Ils expriment leur inquiétude : que deviendra à long terme leur fils ou leur fille si déjà au primaire il ou elle utilise cette béquille chimique ?
D'autres, au contraire, font part de leur soulagement à l'occasion d'un changement d'établissement voire de pays, lorsqu'ils ne sont plus tenus à donner ce traitement. Une maman s'est un jour exclamée avec soulagement : "Je reconnais enfin mon fils !" Son sourire retrouvé, tout comme celui de son fils en classe, résumaient à eux seuls l'heureuse symbiose à laquelle parents, enfants et enseignants peuvent parvenir dans ce domaine grâce à une bonne communication et à un travail coordonné.
Des parents impactés
les aider à accompagner sans s'épuiser
Le trouble de l'enfant fait tâche d'huile sur ses proches. En effet les parents sont massivement engagés au quotidien dans la gestion du trouble de leur enfant et lourdement impactés, comme le reste de la famille, parfois jusqu'à l'épuisement et le burn out. Inquiets de voir leur enfant en dérochage scolaire, et face aux difficultés de la vie quotidienne, ils en viennent parfois à se substituer intégralement au cerveau de leur enfant. Ils peuvent également se trouver confrontés à d’éprouvantes situations d’opposition.
L'idéal est donc qu'ils soient intégrés à la prise en charge de l'enfant et qu'ils deviennent des co-thérapeutes, tout en apprenant à se préserver.
Le travail consiste donc non seulement à leur fournir les informations nécessaires à la compréhension du trouble, mais aussi à réajuster leur posture pour favoriser plus d'initiation et d'autonomie chez leur enfant. Autrement dit, cela passe par le lâcher-prise et la déculpabilisation. Car les parents se sentent trop souvent responsables du trouble de leur enfant.
Les méthodes d'accompagnement
Voici deux méthodes d'accompagnement des parents, destinées l'une à réguler les relations parents-enfant, l'autre à renforcer les habiletés parentales :
- La méthode CPIM (Child-Parent-Interregulatory-Method) de Gabriela Pérez-Acevedo (2016) : elle permet d'aider le jeune à gérer ses difficultés par l'intermédiaire d'une régulation des interactions parent-enfant. Cette méthode vise à favoriser les capacités d'autorégulation de l'enfant. Elle a été mise au point par la psychologue clinicienne Gabriela L. Pérez Acevedo.
- La méthode Barkley : elle a été élaborée par le psychologue clinicien américain Russel Barkley. Il s'agit d'un programme d'entraînement aux habiletés parentales dont les buts sont de rendre les relations parents-enfants plus sereines et d'outiller les parents pour parvenir à plus de compliance dans la vie quotidienne. Elle est basée sur des concepts issus des psychothérapies cognitivo-comportementales.
Les associations : une précieuse ressource
Des associations de type 1901 reconnues d'utilité publique ont été fondées par des personnes directement concernées par le trouble. Elles en ont l'expérience en tant que TDA/H elles-mêmes ou parents et proches de TDA/H. Leur savoir expérientiel, basé sur le vécu, est enrichi de connaissances théoriques qu'elles vulgarisent et mettent à la portée du public. Elles font appel à des experts scientifiques et diffusent une mine d'informations : des guides concernant le parcours de soin du TDA/H, sur le parcours scolaire et les aménagements, sur les adaptations au quotidien et à l'école. Elles peuvent aussi proposer des temps d'échanges et de soutien qui ne peuvent être que bénéfiques lorsque l'on vit un tel chaos.
Sources et références
Cet article a pu voir le jour grâce à deux formations que j'ai suivies en 2022 et en 2023.
L'une auprès de la neuropsychologue Laura BERTLEFF, fondatrice de Learning Brain. Laura a dispensé une formation très complète, à la fois théorique et pratique, au cours de laquelle elle a non seulement partagé ses
connaissances, son expertise et sa boîte à outils spéciale TDAH, mais aussi invité ses participants à appliquer sur eux-mêmes bon nombre de techniques utilisables avec les élèves. De quoi mieux
comprendre le trouble dans toutes ses dimensions et rendre tout enseignant plus efficace dans son travail avec un élève TDA/H !
L'autre auprès de Steve MASSON, chercheur et professeur en sciences de l'éducation au Laboratoire de recherche en Neuroéducation à Montréal (Québec) grâce à l'organisme IF Paris (Initiative et Formation Paris). J'y ai reçu des informations scientifiques extrêmement éclairantes, et appris des stratégies d'optimisation des apprentissages que comme tous les participants, j'ai été amenée à tester sur moi-même afin d'en mesurer toute l'efficacité.
En savoir plus :
- Les recommandations de la Haute Autorité de Santé
- Un document de l'Inserm : Minute d'Attention - C'est quoi le TDAH ?
- La guidance des parents : la méthode Barkley sur le site de l'association HyperSuper-Tdah France
- L'association TDAH-France
- Un guide de l'ARS de Corse (Agence Régionale de Santé)
Auteure : Claire Legendre. Tous droits réservés.
© ClaireLearning - 24 octobre 2023
Crédit photo : Photos libres de droit Pixabay et Pexel.
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