Fuite, évasion, recherche d'un ailleurs meilleur, quête de l'autre... : deux de mes lectures du moment m’ont entraînée en pleine migration : sur les routes de la débâcle en 1940 avec « Miroir de nos peines » de Pierre Lemaître et en 1930 sur Ellis Island avec « Ceux qui partent » de Jeanne Benameur.
Se jeter sur la route avec "Miroir de nos peines" de Pierre Lemaître
C'est le 3ème volume de la trilogie historique débutée avec l’incroyable et magistral « Au revoir là-haut », et poursuivi avec l’enthousiasmant « Les Couleurs de l’incendie ». Pas besoin d’avoir
lu les précédents ouvrages pour se plonger dans celui-là. Comme à l’accoutumé, Pierre Lemaître conte l’histoire de nouveaux personnages, même si certains, il est vrai, ont un lien plus ou moins
lointain avec ceux des précédents tomes.
Entre ligne du front d’une drôle de guerre propice à tous les trafics, et un Paris encore libre où règnent la censure et la contre-information, émergent différents acteurs, aussi atypiques, haut
en couleurs et surprenants les uns que les autres : une institutrice déboussolée et perdue, un soldat roublard et son supérieur embarqué malgré lui dans des affaires louches, un imposteur doué
pour tous les rôles. L’arrivée des Allemands les jettent sur la route, dans un « road-movie » qui les rapprochera les uns des autres.
Un vrai plaisir de retrouver le verbe énergique de Pierre Lemaître, son art particulièrement rythmé et dynamique de la narration, et son sens de l’action dramatique souvent teintée d’une pointe
d’humour.
"Ceux qui partent", l'instant suspendu de l'arrivée en terre nouvelle
En cette année 1930, sur Ellis Island se mêlent les routes et les destins d’Européens que le rêve d’une vie plus libre ou la tragédie des persécutions ont fait fuir. Ils croisent celle d’Andrew Jonsson, jeune photographe fils d’un émigré islandais et d’une descendante des passagers du Mayflower. Andrew ne vit que pour son art, et se refuse secrètement à devenir l’héritier modèle dont rêvent ses parents. Il est au contraire irrésistiblement attiré par la quête de ses origines d’exilé, que sa famille désormais bien établie dans la société new yorkaise préfère taire. Sur Ellis Island, il photographie avec passion les visages de ceux qui sont partis et viennent d’arriver, cherchant à capter à travers les attitudes et les visages, le passé, l’avenir, les attentes, les espoirs et les désirs que révèlent l’interminable et humiliante parenthèse de l’attente.
Durant ce temps suspendu qui s’étire, se font des rencontres, naissent des passions, et se décident des chemins.
« Ceux qui partent » est un récit tissé d’intériorités, une plongée au plus profond des pensées et des sentiments de personnages au bord d’une nouvelle vie comme ils sont à la frontière d’une
nouvelle terre et sur le rivage d’une île qui les retient un jour encore.
Auteure : Claire Legendre. Tous droits réservés.
© ClaireLearning - 25 mai 2020
Crédit photo : photos Pixabay
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